Deux journée intensives que celles passées à Washington les dimanche et lundi 11 et 12 Décembre 2011, à l’occasion de la remise d’une médaille d’or à Olsen Jean Julien et Stephanie Hornbeck par la Smithsonian Institution.
Le premier est le Directeur Exécutif du Haiti Cultural Recovery Center et l’autre Conservateur en chef au Haiti Cultural Recovery Center.
La première tâche du Haiti Cultural Recovery Center a été de récupérer les objets d’art ensevelis sous les décombres laissés par le terrible séisme du 12 Janvier 2010 qui a détruit Port-au-Prince, la capitale haïtienne, et certaines villes de l’intérieur du pays (Léogane, Petit-Goave, Jacmel), tuant environ 300.000 personnes, blessant des centaines de milliers d’autres et faisant près de 7.000 handicapés physiques.
Bilan très lourd pour un peuple, pour un si petit pays et qui en moins d’une minute s’est retrouvé aussi, entre autres, sans ses archives, sans ses ministères gouvernementaux, ses directions administratives et surtout sans ses proches parents qui sont le seul témoignage restant quand tout s’est proprement effondré. Autrement dit la mémoire d’un peuple et le secret de sa force.
C’est ce que la Smithsonian Institution a compris en décidant de venir à la rescousse. Onze mois après le séisme, jour pour jour, un 12 Décembre 2010, la Smithsonian inaugurait aux côtés du gouvernement haïtien le Haiti Recovery Project.
En rendant disponibles les fonds nécessaires au projet de sauvetage de l’héritage culturel du pays, mais aussi les techniciens, les spécialistes en rénovation d’objets d’art nécessaires. Ces derniers se sont mis au travail sans tarder. Il ont pour nom Stephanie Hornbeck, Viviane Dominguez, peintre, conservateur, Magdalena Carmelita Douby Guillaume qui se sont attelées à l’enregistrement des pièces retrouvées, un travail de fourmi … mais aussi Marue Lucie Vendryes, Franck Lluissaint, Jean Ménard Derenoncourt, Marise Desrosier etc… impossible de les nommer toutes et tous. Aucun n’a marchandé son concours. Y compris lorsqu’il fallait dans un premier temps s’introduire sous les décombres pour en extraire des tableaux, des livres précieux, des sculptures.
Ensuite la Smithsonian a fait l’acquisition d’un espace dans le quartier de Bourdon où est disposé un ensemble des containers pour le stockage des objets d’art.
Puis les spécialistes se sont mis au travail.
Tout cela a été montré le lundi 12 Décembre 2011, soit exactement un an après l’ouverture du Haiti Cultural Recovery Center à Port-au-Prince. Le document se déroule au fur et à mesure que les œuvres d’art tellement endommagées reprennent vie et retrouvent leur fraicheur d’antan, provoquant l’admiration de la centaine d’invités rassemblés à l’auditorium du Musée de l’Indien (le ‘National Museum of the American Indian’), l’une des composantes de la Smithsonian Institution, en plein Washington Mall, en face de la Maison blanche.
Soirée pleine de symbolisme et d’émotion, car restaurer à un peuple sa mémoire, c’est lui redonner le goût de vivre, de continuer à rechercher le bonheur. Et c’est ce que la Smithsonian dit rechercher en lançant ce projet.
Pour le réaliser, il a fallu d’abord le courage d’une poignée d’Haïtiens qui se sont mis tout de suite à la tâche, sauvant les vivants d’abord et attaquant ensuite la lourde et difficile tâche de soulever ces masses de débris pour sauver ce qui pouvait encore l’être.
Dans le cas du Musée d’Art Haïtien, à la Ruelle Roy, ces premiers volontaires ont été des résidents du quartier avec à leur tête une Maritou Moscoso et le peintre et compositeur musical Henry Célestin.
Puis sont entrés en scène ces spécialistes venus d’un peu partout de la terre entière prêter leur concours. Le Professeur Richard Kurin, de la Smithsonian, a cité parmi les bienfaiteurs du projet toute une pléiade d’institutions culturelles, tant haïtiennes qu’américaines, y compris des personnalités politiques qui ont cru au projet. Il a mentionné Michèle Obama et Elizabeth Préval.
Dès le début des artistes comme Patrick Villaire ont compris l’importance du projet. Ce dernier, secondé par Patrick Delatour, architecte, ancien ministre du tourisme au moment du séisme. C’est tout ce monde qui a entouré Richard Kurin avec à leur tête l’ancien ministre de la culture Olsen Jean Julien, abattant ce travail de fourmi, jour après jour, supervisant et articulant les différentes composantes les unes aux autres.
Autre coopération mentionnée celle des casques bleus japonais qui avaient été délégués par la mission onusienne en Haïti (MINUSTAH) pour sortir les œuvres d’art qui se trouvaient emprisonnées dans les endroits les plus dangereux.
Et le projet est devenu réalité. Plus de 30.000 œuvres d’art et autres documents précieux ont pu être sauvés et restaurés, dont des archives du XIXe siècle de l’histoire haïtienne aujourd’hui répertoriées et classées sur des étagères fraichement construites dans le nouveau bâtiment abritant les Archives nationales d’Haïti.
Mais il reste encore tellement à faire. La Smithsonian et les spécialistes l’entourant n’ont pas l’intention de se reposer sur leurs lauriers. Il reste aussi à mettre en lieu sûr les autres documents importants de notre histoire nationale, a souligné Wilfrid Bertrand, directeur des Archives Nationales. Dont les archives des différents ministères de l’Etat. Plusieurs bâtiments qui abritaient ces ministères ont été détruits par le séisme. Et non des moindres : le Ministère des Affaires étrangères, Cité de l’Exposition, le vénérable Palais des ministères qui abritait tout à la fois le ministère des finances, celui de la santé, de l’intérieur etc. Partout il y a des archives à sauver. Il y a aussi le local du Bureau d’Ethnologie qui jusqu’à présent n’a pas été déblayé. La directrice Suze Mathieu, sans doute effrayée par l’ampleur de la tâche, n’a pas encore donné son autorisation.
Nous avons pu pendant ces deux jours entrer, si l’on peut dire, dans la mémoire du peuple haïtien avec les spécialistes rencontrés et vivre avec eux leur angoisse, leur inquiétude. Mais aussi leur satisfaction.
Patrick Vilaire et Lorraine Mangonès nous ont parlé de cette collection de peintures sans précédent renfermée au Musée d’art du Collège St Pierre de l’Eglise Episcopale au Champ de Mars. Au péril de leur vie, des spécialistes ont pu pénétrer à l’intérieur du bâtiment, gravement fissuré. Ils ont pu décrocher les tableaux et les empiler dans un endroit sain et sauf en attendant l’autorisation du directeur du Musée, Michel Philipe Lerebourg, avant de pouvoir les emporter pour leur restauration. Mais le temps presse.
Dans un album volumineux, illustré de saisissantes photographies, Richard Kurin retrace les moindres étapes du projet Haiti Cultural Recovery Center. Le livre est à la disposition du public depuis ce lundi12 Décembre.
Tous les intéressés peuvent lire l’histoire de ce sauvetage et faire connaissance de plus près avec ces héros, grâce auxquels aujourd’hui le peuple haïtien peut de nouveau avoir son patrimoine.
Un grand absent à la cérémonie qui s’est déroulée aussi ce 12 Décembre au National Museum of the American Indian, c’est bizarrement le gouvernement haïtien. Même les membres de l’ambassade d’Haïti à Washington n’ont pas daigné faire le déplacement.
En dehors des tableaux, livres, sculptures et autres, il y a aussi les murales de la Cathédrale Sainte Trinité et dont certaines ont pu également être sauvées grâce à l’intervention des spécialistes.
Un film projeté en la circonstance rend un hommage particulier aux principales victimes de l’effondrement de cette Cathédrale ainsi que de l’Ecole de musique de Sainte Trinité.

Elsie Ethéart, Washington