Vendredi 18 Janvier, c’est le coup d’envoi du Festival International de Jazz de Port-au-Prince, 7ème edition. On est à Jacmel au wharf touristique aménagé pour la circonstance. D’un côté la scène où vont se succéder les divers groupes et lui faisant face l’espace public avec ses chaises bien rangées. Le temps est à la pluie. Le ciel est noir et strié de temps en temps d’éclairs. Mais la pluie ne tombera pas ce soir là et la soirée débute à l’heure exacte avec le premier groupe: les Haïtiens de l’Ecole de musique Dessaix-Baptiste présentant un saxophoniste de talent qui d’un bout à l’autre de la performance du groupe interprétera divers morceaux avec le même professionnalisme. “ Je ne savais pas qu’il faisaient aussi du jazz ” nous dit un mélomane plutôt familiarisé jusqu’à présent avec les pièces classiques qu’interprètent les musiciens de Hubert Leroy. L’école de musique Dessaix-Baptiste qui a reçu un financement du projet Arcade, poursuit bien son chemin et est devenue l’une des meilleures attractions de Jacmel. Puis en deuxième partie, arrivent les musiciens allemands. Il sont quatre: un saxophoniste (Timo Vollbrecht), un bassiste, un percussionniste et un extraordinaire guitariste, japonais d’origine, faisant corps avec son instrument et qui se distingue par la qualité de ses solos ou des duos tantôt avec le saxophoniste, tantôt avec le bassiste. Les amants du jazz sont emballés de ces sons nouveaux sortant des divers instruments. C’est du jazz moderne et les musiciens conquièrent immédiatement le public. Puis c’est l’arrivée du troisième groupe, le Quartet Branford Marsalis. Et là les musiciens font leur entrée dans le silence le plus complet. Les enfants dont les parents avaient beaucoup de mal à faire tenir tranquilles pendant la performance des allemands, sont tout oreilles. Branford Marsalis est introduit par Régine Renée Labrousse de l’ambassade des Etats-Unis en Haïti: « Branford vient de la Nouvelle Orléans. Moi aussi » confiera-t-elle . « C’est une très belle ville. Et c’est le berceau du jazz ». Branford Marsalis monte en scène. Il salue tout juste le public disant sa joie d’être en Haïti et à Jacmel, et comme pour rendre hommage au public, il choisit d’interpréter avec ses musiciens un air caribéen. Le public est sous le charme et la communication totale. La musique se marie au bruit des vagues, la scène ayant été dressée au wharf touristique de Jacmel. Le charme de cette soirée restera dans toutes les mémoires. Un deuxième morceau, puis un troisième et c’est la fin de la performance inoubliable du Brandford Marsalis Quartet. Le présentateur arrive sur scène et le public continue d’applaudir avec enthousiasme. Il y a autant de gens assis que debout, la foule dépassant de beaucoup l’attente des organisateurs. Alors le présentateur déclare : « il va y avoir la cerise sur le gâteau”. Et cela déchaine des hourras de l’assistance. Plus moyen de rester sur sa chaise. Le devant de la scène est occupé par les danseurs qui swinguent au rythme de cette magnifique ballade de la Nouvelle Orléans. Pari réussi que celui de cette avant-première au wharf de Jacmel. Joël Widmaier et Milena Sandler clôturent la séance en remerciant l’assistance, les sponsors, tous ceux qui ont rendu le Festival possible, particulièrement les nombreuses ambassades qui ont financé le voyage des musiciens venus de divers coins du monde. Il faut aussi signaler qu’un ensemble ‘rara’ s’était posté sur la colline en face du wharf pour saluer l’arrivée dans leur ville de ces grands musiciens. Jacmel s’est montrée très courtoise vis à vis de ses invités. Les hôtels étaient bondés pour cette nuit du vendredi 18 Janvier et la ville avait vraiment fait peau neuve, les poches de détritus enlaidissant certains quartiers avaient été enlevés. Les musiciens sont partis dès le lendemain samedi pour la grande première qui devait avoir lieu dans la soirée au Parc de la Canne à Sucre, dans la banlieue de Port-au-Prince. La pluie qui s’était fait tellement menaçante à Jacmel, s’est abattue sur la capitale. Le concert s’est déroulé en deux parties avec la canadienne Molly Johnson qui a charmé le public mais qui aussitôt après sa performance, a dû se mettre à l’abri avec le reste des musiciens à cause de l’averse. Mais la pluie a été de courte durée et aussitôt terminée, les chaises étaient essuyées, le public a repris place et les musiciens sont remontés sur scène. Branford Marsalis a exprimé son étonnement devant pareille réaction du public : En Louisianne, a-t-il dit, les gens ne seraient pas restés après une telle averse. Et comme pour remercier le public, il a entamé la Complainte paysanne de Raoul Guillaume ! Ce fut du délire ! Le 7ème édition du Festival de Jazz a donc reçu sa bénédiction venant du ciel ce samedi 19 Janvier. Le Jazz est dans nos murs et y restera jusqu’au 26 Janvier.