Dans une note, le Réseau Dominico-Haïtien Jacques Viau (REDH) appelle les autorités dominicaines à prendre au sérieux l’appel à la violence lancée par un groupe de dominicains ultra-nationalistes et xénophobes.

Selon le REDH, il existe un groupe de dominicains qui manifestent un sentiment raciste contre la présence des ressortissants haïtiens sur le territoire dominicain. Citant en exemple les actes de violences visant la communauté haïtienne ainsi que les menaces proférées ces derniers jours à l’encontre de certains journalistes dominicains pour avoir pris une position contraire à celle de ce groupe.

Le REDH demande aux autorités dominicaines de ne pas minimiser l’appel prônant l’anti-haïtianisme lancé par ces ultranationalistes et demande aux autorités dominicaines de mettre un terme à cette spirale de violence, sinon la situation atteindra un niveau de détérioration incontrôlable.

Par ailleurs, jeudi, plus de 150 signataires parmi lesquels l’ancien premier Ministre Claudette Werleigh, des autorités ecclésiastiques anglicanes et catholiques, des sénateurs, des directeurs de médias et journalistes, des recteurs d’universités, des ONG, des militants de droits humains, des chefs de partis politiques, des membres du secteur privé, des étudiants, des artistes, des intellectuels, des organisations de la diaspora et des amis d’Haïti, ont fait parvenir à l’ancien Chef d’État dominicain, Leonel Fernández, une correspondance, choisi en sa qualité de Président du parti de la libération dominicaine (PLD) et principal bénéficiaire de la campagne anti-haïtienne durant les élections de 1996. Cette campagne selon les expéditeurs n’a pas cessé provoquant ainsi de sérieuses préoccupations pour la Paix entre les deux peuples depuis le commencement de l’année 2015.

Rappelant que M. Fernández a manifesté en plusieurs occasions, spécialement sur la scène internationale, son intérêt pour de meilleurs rapports entre les deux pays de l’île, les signataires constate sur le terrain, ses liens étroits avec les groupes anti-haïtiens qui provoquent ambigüités et confusions. Dans cette optique, la démarche vise à ce qu’il définisse plus clairement sa position et celle de son parti vis-à-vis d’Haïti en vue de contribuer a la convivialité entre dominicains et haïtiens.

Lettre à Leonel Fernández :
« Port au Prince, Haïti, le 19 février 2015
Honorable Dr. Leonel Fernandez
Président du parti de la Libération Dominicaine (PLD)

Monsieur le président,

Permettez-nous de reprendre ici le fait indéniable que lors des élections présidentielles de 1996 en République Dominicaine, vous avez bénéficié de la campagne anti-haïtienne la plus haineuse depuis la dictature de Trujillo.

Malgré ce renforcement momentané de l’inhospitalité face aux ressortissants d'un pays limitrophe et ami, votre arrivée au pouvoir avait été favorablement accueillie des deux côtés de l’île parce qu’elle semblait représenter un renouveau dans la vie politique dominicaine, susceptible de permettre aux rapports binationaux de prendre une nouvelle direction.

Certainement vos trois mandats (1996-2000, 2004-2008, 2008-2012) ont été marqués par quelques initiatives louables dont le don de l’Université Henri-Christophe à Limonade, dans le cadre de la reconstruction qui a suivi le séisme en Haïti. Cependant, ils ont été à la fois lourdement entachés par des évènements atroces tels le massacre de Guayubin en juin 2000; les violences xénophobes de Hatillo Palma en 2005 et le crime odieux de Carlos Nerilus en 2009, pour ne citer que ceux-ci.

Témoignant d’une barbarie à nulle autre pareille, le 11 février 2015 à Santiago, le corps pendu de Henry Claude Jean, couvert de marques de violence, a provoqué les pleurs même des Dominicains qui le connaissaient, le mécontentement de la société et la douleur de la communauté haïtienne toute entière.

Nous dénonçons donc et qualifions d’indécente et de révoltante toute tentative de chercher un bouc émissaire parmi les compatriotes de la victime.

Avec indignation, nous portons à votre attention que cette action déshumanisante est une conséquence de trop de la croisade anti-haïtienne lancée pour vous appuyer et qui n’a cessé depuis de prendre de l’ampleur.

Les partisans de cette croisade, les plus radicaux, ont occupé avec vous et occupent jusqu’à présent d’importants postes gouvernementaux sur la base d’alliances avec le PLD. Nous vous économisons le temps de vous décrire ici les coïncidences de leurs positions avec les vôtres sur le dossier migratoire et particulièrement le droit à la nationalité des dominicains d’origine haïtienne avant la réforme constitutionnelle de 2010.

Par ailleurs, des menaces de mort proférées à l’endroit de journalistes dominicains pour leur traitement objectif de la question haïtienne et la présence de « groupes masqués » qui en plus d’incendier le drapeau haïtien sur la voie publique, disent déclarer la guerre à l’immigration illégale, nous portent à de profondes préoccupations.

Face à la gravité de la situation nous vous demandons de condamner énergiquement ces actes intolérables. Aussi, nous vous exhortons, en votre qualité de président du parti de Juan Bosch, à une collaboration étroite avec les autorités compétentes, afin de prendre en main une situation qui dégénère, au risque de voir l’histoire retenir votre lourde responsabilité dans des dérapages qui pourraient se révéler dangereux pour la paix entre les deux pays de l’ile.

Nous vous remercions, Monsieur le Président, de l’attention que vous porterez à la présente et vous prions d’agréer nos salutations distinguées.

cc Lic. Danilo Medina, Président de la République Dominicaine

(Suivent les noms des 150 signataires) »