Une rencontre entre les chanceliers haïtien et dominicain, Andrés Navarro et Lener Renauld, à Port-au-Prince, n’a pas suffit pour éloigner la menace de déportation des migrants haïtiens, vivant de manière illégale en République Dominicaine, au moment où le processus se complique.

Le chancelier dominicain a assuré qu’il n y aura pas de déportation massive vers Haïti et que le processus de rapatriement se fera graduellement. Mais la coordination du Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés (Garr) craint que cette affirmation ne vise qu’à préserver l’image de la République Dominicaine.

Andrés Navarro et Lener Renauld se sont rencontrés le samedi 6 juin à Port-au-Prince et ont abordé la question de la déportation des Haïtiens sans papiers en territoire dominicain.

Andrés Navarro a fait savoir que 239 368 étrangers sont déjà inscrits dans le Plan national de régularisation des étrangers (Pnre) en République dominicaine, dont 222 033 Haïtiens, soit 96% des demandes liées à Haïti.

D’ici le 17 juin, date à laquelle le Pnre arrivera à terme, les autorités dominicaines envisagent que le nombre des inscrits passera à 250 mille personnes.

Le chancelier dominicain a assuré qu’il n y aura pas de déportation massive vers Haïti et que le processus de rapatriement se fera graduellement. Mais la coordination du Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés (Garr) craint que cette affirmation ne vise qu’à préserver l’image de la République Dominicaine.

Déjà le ministre Lener Renauld avait souligné qu’il est « un droit » pour la République dominicaine de régulariser sa situation migratoire et un « devoir », pour les Haïtiens de recevoir leurs compatriotes.

Une affaire qui ne semble pas aussi simple néanmoins.

La coordination du Garr estime que la majorité des 96 % de gens identifiés comme des migrants haïtiens ayant fait la demande de régularisation auprès des institutions dominicaines sont des victimes du décret de la cour constitutionnelle dominicaine.

En date du 23 septembre 2013, la cour constitutionnelle dominicaine, a arrêté que tous les Dominicains nés de migrants à partir de 1929 perdaient la nationalité dominicaine.

« À notre avis la majorité (des 96%) sont des Dominicains dénationalisés. », déclare à AlterPresse, Saint-Pierre Beaubrun, Coordonnateur du Garr.

« Il est important pour les autorités haïtiennes de demander aux dirigeants dominicains de séparer les victimes de la sentence de septembre 2013 de ceux qui sont effectivement des migrants haïtiens », ajoute le responsable du Garr.

« Un dominicain dénationalisé expatrié est un apatride. Il ne faut pas mélanger ces gens », souhaite Saint-Pierre Beaubrun.

Ce doute du Garr s’explique à partir du fait que les autorités haïtiennes n’ont pu délivrer que 52 mille documents aux Haïtiens qui vivent sans papiers en République dominicaine, à travers le Programme d’identification et de documentation des Haïtiens (Pidih).

Or pour intégrer le Pnre, de manière légale, les étrangers doivent montrer des documents d’identification de leurs pays d’origine.

Et si les responsables dominicains affirment ne pas envisager la déportation massive « c’est juste pour soigner leur image » face aux pays de la communauté internationale et pour ne pas bloquer brusquement des secteurs économiques de leur pays qui vivent de la main-d’œuvre haïtienne.

Le Garr déplore aussi qu’aucune structure d’accueil n’est jusqu’à présent été créée pour recevoir celles et ceux qui seront déportés.

Le Réseau Jésuite pour les Migrants (Rjm), regroupant les jésuites des deux Républiques, questionne l’efficacité des deux programmes, soit le Pnre mis en œuvre par les dominicains et le Pidih réalisé par les autorités haïtiennes.

Le Réseau appelle à une évaluation des résultats trouvés à partir de ces programmes.

Le Réseau Jésuite déplore surtout les déportations conduites en dehors de toute légalité.

Il appelle les dirigeants dominicains à punir suivant leurs lois tous ceux qui sont auteurs de ces déportations illégales, en particulier les militaires dominicains.

Le Rjm, conseille aux gouvernants haïtiens « de créer le plus rapidement possible, les conditions de sécurité et de réception pour assurer un accueil décent aux personnes déportées (…) à leur arrivée à la frontière ».

Les pays de la communauté internationale sont exhortés par le Rjm de s’assurer que tout se processus se réalise suivant le respect des droits de toutes les personnes à risque d’être expulsées de la République Dominicaine à partir du moment où le Pnre arrivera à terme.

Le Pnre prend fin le mercredi 17 juin à 4 heures de l’après-midi. Une prorogation de 45 jours sera observée en vue de travailler sur les derniers dossiers reçus.