Alter Presse publie un article racontant les déboires d'un jeune entrepreneur qui voudrait sa lancer dans la commercialisation de produits fabriqués à base de cacao 

Voici ce qu'en dit l'Agence: 

P-au-P, 28 août 2015 [AlterPresse] --- Amour. Plaisir. Addiction. De nombreux mots peuvent être rattachés au chocolat. Mélior Joseph en a fait un métier qui se conjugue entre raison et passion.

Originaire de Saint-Louis du Nord (Nord-Ouest d’Haïti), Mélior Joseph, 28 ans, est l’avant-dernier d’une famille de huit enfants.

Après des études en sociologie à la Faculté des sciences humaines (Fasch) de l’Université d’Etat d’Haïti (Ueh), il se tourne vers le droit. Mais une formation en entrepreneuriat à Montréal va changer sa vie.

Enfant, il a grandi en regardant sa mère transformer le cacao. Mais cela ne l’a jamais vraiment intéressé. Jusqu’à ce qu’il en découvre la richesse, lors de cette formation.

« Cette formation en entrepreneuriat à Montréal m’a fait faire un virage à 360 degrés », dit-il.

« Normalement, ma carrière était tracée pour que je devienne : soit professeur d’université, soit avocat ».

En 2012, Mélior Joseph crée, avec cinq de ses frères et sœurs ainsi que des amis, la société Chocomax pour « explorer toutes les potentialités du cacao au maximum ».

Crémas, rhum cacao, graisse de cacao, chocolat en bâtonnet, Chocomax a une variété de produits sur le marché.

L’entreprise, arrivée deuxième au concours « Digicel entrepreneur de l’année en 2012 » au niveau du département du Nord-Ouest, compte 11 employés, mais n’est pas encore dans une phase industrielle, déplore Mélior Joseph.

Une bonne partie de l’entreprise fonctionne à Saint-Louis du Nord, où se trouve l’atelier.

« Je crois plus en l’emploi rural […], même si c’est très lourd sur le plan logistique », affirme le jeune homme.

Chocomax est sur le point d’ouvrir également un bar dans son local, en plein cœur de Port-au-Prince, pour offrir des boissons chocolatées, entre autres.

Toutefois, faire tout ce chemin n’a pas été des plus aisés. Car, pour lancer une entreprise, il faut, plus que l’envie, avoir les moyens théoriques et économiques.

« En Haïti, l’on reçoit surtout une formation académique, quand on ne vient pas d’une famille déjà impliquée dans les affaires. Donc, mon plus grand défi a été de trouver des outils théoriques en entrepreneuriat. Le second défi a été économique », explique Mélior Joseph.

Après des démarches infructueuses, auprès de plusieurs institutions, le jeune homme a pu finalement obtenir un prêt d’une coopérative.

Atteindre, enfin, son rêve se heurte, néanmoins, à la perception négative de l’entrepreneuriat dans certains milieux.

« Certains de mes camarades disent : le gars est avocat, et voilà qu’il se met à vendre du chocolat », raconte Mélior Joseph.

« Mais, moi, je crois que faire de l’entrepreneuriat est l’un des meilleurs moyens pour m’épanouir et aider les gens dans mon environnement ».

Combattre le manque d’attention, voire de prestige, dont souffrent parfois les initiatives des jeunes, se révèle un chantier. Mais ce n’est pas le seul.

Pour Mélior Joseph, le pays doit encore lutter contre la condition de « pourvoyeur de matières premières » aux pays riches, dans laquelle il est enfermé.

Si exporter des mangues et autres (bananes...) est intéressant, les transformer est capital.

« Si tu veux faire de la transformation, cela demandera que tu aies des équipements, que tu augmentes le nombre de tes employés, qu’ils soient mieux formés pour utiliser les machines. Cela aurait un effet multiplicateur dans l’économie du pays », analyse Mélior Joseph.

Haïti exporte actuellement 125 tonnes de cacao l’an.

La plupart des entreprises, qui transforment ce produit, font face à des difficultés, liées aux équipements, trop coûteux, en termes d’achat, de dédouanement et de maintenance.

« Des gens me disent : pourquoi ne pas exporter le cacao brut ? Cela te rapporterait plus d’argent. Mais, je me demande : si faire des affaires, c’est seulement faire plus d’argent, ou si cela n’implique pas d’autres missions auprès de la communauté », estime Joseph.