Le PRESIDENT JEAN BERTRAND ARISTIDE OPINE SUR L’EXCLUSION DE FANMI LAVALAS DES PROCHAINES ELECTIONS LEGISLATIVES

25 Novembre 2005
Au cours d’une interview avec Venel Remarais, directeur de Radio Solidarité (à Port-au-Prince), l’ex-Président Jean-Bertrand Aristide, toujours en exil en Afrique du Sud, a qualifié de « grave erreur politique » ce qui se passe actuellement dans le pays. « Si l’erreur de 2004 est renouvelée, si on empêche Fanmi Lavalas d’aller aux élections cette fois encore, ce que je qualifie de coup d’état électoral, peut mener le pays très loin, je pourrais même dire à sa perte. Quand quelqu’un a une telle soif de pouvoir qu’il reprend les erreurs passées, a poursuivi Jean-Bertrand Aristide parlant du Président René Préval, il doit aussi avoir du ‘brain’ (intelligence), sinon cela ne mènera le pays nulle part. »
Aristide explique son silence au cours de ces derniers temps, parce que le moment n’était pas venu pour lui de parler et qu’il n’a pas de « folie de pouvoir ». Mais le moment est venu pour lui de retourner dans son pays. Il faut que tous ceux qui sont intéressés puissent apporter leur quote-part au développement du pays. Car il n’y a pas que la politique. Il y a aussi d’autres sphères d’action et chacun doit participer dans le domaine qui lui est propre.
Concernant les relations entre lui et le président René Préval, Venel Remarais lui demande ce qu’il en est aujourd’hui.
« Pendant toute la durée de mon exil, je n’ai eu aucun contact avec René Préval », a répondu Jean-Bertrand Aristide. Un peu plus loin il dit que s’il le pouvait il rentrerait dès le lendemain en Haïti. Mais qu’il n’a pas de passeport. Son passeport diplomatique est expiré et seul le gouvernement haïtien peut le renouveler. Sans passeport, je ne puis me mettre en route, a déclaré le président Aristide.
Concernant la situation qui prévaut actuellement en Haïti, Aristide souligne que « La réalité malheureusement pour lui (en parlant de Préval) a montré que le peuple était déçu. Ce qui est important c’est Haïti, le bien d’Haïti. Et si le Président Préval continue sur la voie qu’il a emprunté depuis quelque temps, il va s’enterrer de plus en plus. »
Et il donne un conseil à celui qui autrefois était son « marassa » : « Il doit se mettre à l’écoute du peuple, parce que si il continue sur cette lancée ce ne sera pas bon pour lui. »
Au sujet des autres partis écartés de la course, quel est son souhait ?
Jean-Bertrand Aristide opine aussi. Il lance un message au CEP: « Le conseil électoral a la tâche d’organiser des élections libres et honnêtes. S’il prend une décision pareille, il risque gros. «
Concernant le mandat remis par Maryse Narcisse au CEP, Jean-Bertrand Aristide confirme son authenticité. Si je le pouvais, je rentrerais demain matin pour venir remettre ce papier moi-même au CEP et confirmer l’authenticité de mon choix. Mais je me trouve dans l’impossibilité de retourner, aussi je profite de l’occasion que vous m’offrez aujourd’hui pour dire qu’effectivement j’ai mandaté le Dr Maryse Narcisse pour inscrire le parti Fanmi lavalas aux législatives de février 2008. »
Et il donne encore un conseil au Président Préval: « Il n’est pas trop tard pour faire taire son orgueil et se rendre compte qu’il a fait une erreur. Quand on est adulte, on ne peut pas fonctionner par orgueil. Il faut reconnaître que ce que je dis est la vérité. Le peuple n’est pas heureux, il n’est pas satisfait. »
A la question : que pensez-vous des membres du Fami Lavalas qui se sont désistés, en se présentant dans les rangs du « INITE », la nouvelle formation présidentielle, Jean-Bertrand Aristide répond : « Chacun a le droit de décider pour lui-même. L’espoir fait vivre. »
Pour Aristide, ce parti INITE est une sorte de CONAJEC.
« Si c’était vrai qu’il y avait trop de partis politiques et que tout le monde découvre le besoin de se mettre ensemble pour former ce parti INITE, il faudrait laisser à FANMI LAVALAS la possibilité de se présenter elle aussi aux élections » a poursuivi l’ex-président exilé en Afrique du Sud.
Actuellement on est en face de méthodes, de manœuvres dilatoires. On vous demande A, vous le donnez, alors on vous demande B. Et pendant ce temps, le pays est dans une situation de détresse.

Il y a des gens disant que vous deux, c’est à dire vous Président Aristide et le Président Préval, aviez en main tout ce qu’il fallait pour changer le pays. Au lieu de cela, vous lui avez fait faire marche arrière. Que pouvez-vous répondre ?
Aristide reconnaît que le pays a fait une importante marche arrière pendant le premier coup d’état. Puis il y a eu le retour, puis René Préval est devenu président, puis lui Aristide est revenu au pouvoir. Je pense que toute cette période a été positive pour le pays. Les choses ont commencé à changer et à devenir mauvaises ces derniers temps. Tout ce qui se passe actuellement est mauvais, très mauvais pour le pays et le conduit en arrière. Mais je ne veux pas critiquer le président Préval. Il faut reconnaître qu’il prend une direction qui n’est pas bonne. Il doit s’arrêter. Il faut savoir s’arrêter.

En fin d’interview, Jean-Bertrand Aristide remercie Venel Remarais d’avoir clarifié la question de mandat pour lui. Cette conversation peut permettre que le Président René Préval se rende compte que cet orgueil ne le mènera nulle part. Il n’y a pas d’inclusion mais exclusion. Il ne doit pas continuer à écouter les conseils des gens lui disant qu’il lui faut continuer à aller dans cette direction. Si je dois rentrer demain, je rentrerai dans la simplicité, pour apporter ma quote part pour le développement de mon pays.
La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre que Jean-Bertrand Aristide était sur les ondes de Radio Solidarité mercredi après-midi. Des marchandes arrêtaient leurs activités pour se mettre à l’écoute. Une activité fébrile a semblé régner dans tout Port-au-Prince.