POST-MORTEM

 

PORT-AU-PRINCE, 5 Avril – Un de nos collaborateurs, Marc Elie Pierre, animateur indépendant d’une émission de musique Compas a été assassiné le jeudi saint (2 avril) du côté de Carrefour, banlieue sud de la capitale, par ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui, de manière banale mais fatale, bandits à motos.

Marc Elie, paraît-il, se trouvait dans un tap-tap, ou en descendait quand celui-ci a été attaqué par ces individus qui l’ont froidement abattu d’une balle à la tête.

Le jeune homme si sympathique et aimé par des milliers de fans a été retrouvé les bras en croix par la police et un juge de paix accourus sur les lieux, probablement parce que le corps gênait la circulation.

Et n’était la carte de Mélodie FM retrouvée sur lui, il aurait fini dans la chronique des chiens écrasés.

Comme tant d’autres. Tant d’autres victimes de ce pays devenu comme le Far west de nos livres d’enfant, où l’on tire sur tout ce qui bouge, où tous ceux qui veulent ont licence de tuer, où c’est la chose la plus facile, la seule permise, où le citoyen n’a aucune défense, où ce n’est pas la bourse ou la vie mais la bourse et la vie !

Ils tirent, tout le monde se met à plat ventre ; ils se tirent sans se presser, sans risque d’être inquiétés. Ils tirent, ils se tirent et ils s’en tirent.

Le tap-tap s’était enfui à toute vitesse, les autres passagers envolés aux quatre vents, ne reste que la victime. Comme une leçon pour tous. Ne vous avisez pas de nous résister. Ne levez même pas les yeux !

La police arrive toujours en retard. Peut-être terrorisée elle aussi par l’audace des gangs. De temps en temps, elle annonce une opération coup de poing. Mais jusqu’à présent toujours sans lendemain.

 

Merdre ! …

Toute une capitale, sinon tout un pays, en otage. Fait comme un rat. Nul n’est à l’abri et tous le savent. Chacun essaie de deviner quelle pourrait être sa réaction lorsque son tour viendra. Marc Elie Pierre aurait essayé de résister. Pourquoi justement les officiels, aussi bien nationaux que internationaux, ne se déplacent pas sans toute une armée. Le seul pays où les officiels ont le monopole total de la sécurité. Le citoyen, démerdez-vous. Le citoyen il vous dit merdre !

Tout le monde en parle. Cela couvre des pages dans les journaux. Mais aucune réaction. Plus récemment c’est le haut clergé catholique qui criait holà. Mais c’est avant qu’un autre acte encore plus barbare ne vienne faire oublier le précédent.

 

Le gang, un instrument indispensable …

On cherche des excuses. Impuissance oblige. C’est la proximité des élections. Comme une fatalité. Non tout cela du bidon. La vérité c’est tout simplement que aujourd’hui : les gangs c’est la seule chose qui marche dans ce pays. On refuse d’ouvrir les yeux. Quelle est la seule façon de se faire des millions dans un pays qui ne produit plus rien sinon la drogue ou le kidnapping ou toute autre forme de crime organisé ! Quelle est la seule façon de me débarrasser d’un compétiteur gênant ? Dans quelque domaine que ce soit. Public ou privé. Business ou social. Voire sentimental. Nous ne mentionnons pas politique parce que c’est eux qui détiennent la solution, même quand voudraient-ils l’appliquer qu’ils ne le pourront si facilement. En un mot, le gang est devenu dans notre société en Haïti un instrument indispensable. Alors que les petits bandits à moto auxquels les mêmes nous abandonnent comme leur part du gâteau, nous tiennent constamment sous le joug, inutile de vous faire un dessin.

Les gangs ne disparaitront pas. Non parce que la justice ou la police sont impuissantes mais parce que les puissants en ont besoin.

 

Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince